Accéder au contenu principal

Quel pouvoir voulons-nous ?

L’histoire nous enseigne que gagner les élections et former un gouvernement ne suffisent pas pour changer la société. Ces dernières décennies, des partis sociaux-démocrates, puis de gauche radicale, ont eu tendance une fois au gouvernement, à fléchir devant les pressions des acteurs économiques. Ceci les a conduits à abandonner les mesures radicales de leur programme, à recentrer leur message, à poursuivre les plans d’austérité de leurs prédécesseurs, soit malgré eux, ou pire, parce qu’ils ont embrassé la logique néolibérale. L’espoir qu’un autre monde soit possible laisse alors la place au fatalisme.

À la lueur de ces expériences, il faut collectivement faire ce constat: il manque dans QS une réflexion sur ce que signifie « prendre le pouvoir ». L’élaboration de notre programme a laissé en suspens une question qu’il faut maintenant ensemble aborder: comment  réaliser notre projet de société dans le contexte des rapports de pouvoir qui traversent le Québec et le monde d’aujourd’hui?

Ne pas y répondre condamnerait la vision du changement social dans Québec solidaire aux paramètres de la démocratie libérale. Le pouvoir serait concentré à l’Assemblée nationale et il   suffirait d’une majorité législative pour changer les choses.

Or, les dominants possèdent un ensemble de pouvoirs extraparlementaires, de nature économique et idéologique. Le pouvoir du patronat n’a jamais été aussi concentré et consolidé par les traités de libre-échange. Les attaques multipliées sur les conditions de travail ont changé le rapport de force en faveur des actionnaires. De plus, l’État ne se limite pas aux parlements, et la haute administration publique est acquise à la gestion néolibérale de la société. C’est pourquoi au-delà des urnes, il faut tout autant construire un rapport de forces dans la rue, sur les lieux de travail et dans les institutions. C’est à ces conditions que nous pourrons instaurer une véritable démocratie tant politique qu’économique.

Au Québec, ces enjeux peuvent nous sembler encore trop éloignés. Or, si nous voulons être « le meilleur  gouvernement que les Québécois et Québécoises auront connu », mieux vaut se préparer car l’improvisation, une fois « au pouvoir », n’est pas le meilleur garant pour l’avenir.

Il y a aussi une autre bonne raison de se pencher sur ces questions dans les années à venir. En abordant le développement de QS sous cet angle, nous serons mieux placés pour identifier tous les moyens nécessaires à la réalisation de notre projet de transformation sociale. Nous saurons alors mieux quel parti nous avons besoin de construire pour surmonter le pouvoir et la résistance des dominants.

Dans cette brochure, quelques expériences des gauches au pouvoir en Occident sont présentées. Celles-ci permettront d’aborder les défis d’un gouvernement de rupture, tant sur le plan des clarifications de programme que cela implique, que des stratégies à développer. Après ces considérations de long terme, nous allons, plus près de nous, évoquer les dangers de l’électoralisme. Afin de les éviter, nous proposons des pistes pour orienter l’avenir de la construction de Québec solidaire dans son rapport aux mouvements sociaux, à la démocratie et aux médias.

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

3. Participer aux élections, contre l'électoralisme

Lorsqu’on pense à un parti politique, on pense aux élections et à l’Assemblée nationale. Et avec une victoire électorale en main, on pense gagner le pouvoir. C’est pourquoi un parti politique se concentre avant tout sur le travail électoral. C’est d’ailleurs pourquoi QS a principalement développé ses capacités d’organisation électorale et de communication nationale, plutôt que ses capacités d’intervention et d’action dans les mobilisations en cours. C’est ce choix stratégique qui vide en partie de son sens la fameuse formule du « parti des urnes et de la rue », le plus souvent utilisée comme un slogan sans véritable implication pratique. Il faut admettre que 10 ans consacrés à l’élaboration du programme ont pris beaucoup de notre temps entre les élections. Cela a limité les énergies militantes disponibles pour la réalisation de campagnes politiques de plus grande envergure. Néanmoins, la conception floue dans QS de ce que pourrait être un parti de la rue n’a pas aidé. Différentes visio

Vers un congrès d’orientation après les élections de 2018 ?

Ce que nous avons cherché à faire ici, c'est de rappeler quelques éléments de fond, qui dans le cadre de la conjoncture de QS, nous semblent incontournables; en tout état de cause, objets d'une indispensable et urgente réflexion collective. Or, dans le contexte préélectoral qui s’annonce, nous savons que l’espace politique pour mener une telle réflexion en profondeur au sein des instances politiques de notre parti va demeurer limité. Élaboration de la plate-forme, mise sur pied de nos comités électoraux, formation à    nos argumentaires, tout cela prend un temps exigeant pour nous préparer aux élections de 2018 et espérer faire des percées importantes. C’est pourquoi nous croyons qu’il serait sage de mettre à l’ordre du jour de notre parti un congrès d’orientation après les prochaines élections. Celui-ci pourrait s’inspirer des constats et questions du comité ad hoc sur la « vie démocratique interne » en mai 2016, et qui devaient    mener à une vaste consultation. Dans le c

5. La démocratie interne: le pouvoir aux membres

Nous entrons dans une nouvelle phase de notre histoire. Notre présence à l’Assemblée nationale n’a plus rien d’hypothétique et va sans doute se renforcer. Et il devient même crédible d’envisager la participation, un jour ou l’autre, de QS à un gouvernement. Mais si ces perspectives de croissance sont éminemment encourageantes, elles entraînent aussi de nouveaux défis. Quelles peuvent être les mécanismes de contrôle démocratique de l’aile parlementaire, ou la place de la démocratie interne dans le cas d’un éventuel gouvernement QS? Comment s’assurer que notre parti soit aussi inclusif et féministe dans ses pratiques que dans ses principes, et qu’il soit le reflet de la diversité populaire? Comment permettre aux membres d’intervenir sur les débats de stratégie politique? Certes, la démocratie interne de QS a jusqu’ici été très vivante sur certains points: pour l’élaboration du programme et des plates-formes (1), et concernant les alliances électorales. Mais, sur plusieurs     autres